Un Thaïlandais dans les Vignes


Mardi 10 mai 1994

Un Thaïlandais dans les vignes

Pathom Vongsuravatana n’est pas un Thaïlandais comme les autres. Outre qu’il paraît le plus francophile de tous ses compatriotes, il est aussi le premier, et le seul à ce jour, citoyen de Bangkok à posséder un vignoble en France. C’est à Saint-Emilion qu’il a jeté son dévolu en achetant en 1992 le Château Saint-Lô, avec 12 hectares de vignes autour d’un vieux bâtiment du XVIe siècle. « C’est l’accomplissement d’un rêve » confie cet homme étonnant, après deux ans de travaux de rénovation, et un investissement total de 30 millions de francs.

   Pathom Vongsuravatana est arrivé à Bordeaux en 1964 pour suivre les cours de la fac de droit. Le pays lui a plu, l’art de vivre à la française aussi. Il décida de s’y fixer pour toujours, se maria avec une Tourangelle, et créa une société de négoce en alcools. « Pendant trente ans, j’ai vendu du cognac, beaucoup de cognac, aux Japonais » raconte-t-il. Ce n’est pas tout. Il vend aussi de l’armagnac, beaucoup d’armagnac, au pays du Soleil-Levant, car il a créé il y a vingt ans la marque Prince d’Armagnac, qui représente plus de 40% du marché, soit environ 14 000 caisses par an.

   Fort de cette réussite, il se lança donc dans le vin, qui commence à être très à la mode en Thaïlande. Le château-saint-lô a déjà bénéficié de sa présence : le vin a été servi en Guyane, lors du lancement à Kourou d’un satellite thaïlandais en présence de la princesse Siridhorn, héritière de la couronne. Et le 18 septembre prochain, c’est l’ambassadeur de Thaïlande en France, membre de la famille royale, qui présidera le ban des vendanges de Saint-Emilion. Grâce au nouveau propriétaire de Saint-Lô évidemment.

   Un propriétaire qui est en train de passer doucement la main à un de ses fils, Raphaël, pour gérer le domaine. Il faut dire que ce fils est un autre phénomène. Elève des jésuites de Tivoli à Bordeaux, il y passa son bac avec 19/20 en philo, et la mention très bien ! Il partit ensuite faire khâgne à Paris, puis des études de langues orientales, puis de l’histoire, puis de la théologie. Il en résulta un bon bouquin, « Un jésuite à la cour de Siam », signe qu’à 24 ans, le jeune viticulteur est aussi écrivain.

   Jadis le château Saint-Lô était connu pour son parc, ses roses et son vin. Il est en passe de conquérir une nouvelle gloire grâce à la personnalité de ses propriétaires. On reparlera sûrement de Saint-Lô.

D.T.